Quel cadre juridique retenir pour l’accompagnement apporté par le cédant ?
Lors de la cession d’une entreprise, il est fréquent que l’acquéreur demande au cédant de l’accompagner pendant une certaine durée après la cession pour assurer une bonne transmission de la connaissance de l’entreprise et des relations avec les partenaires importants (clients, fournisseurs...). Cette demande est d’ailleurs le plus souvent également souhaitée par le vendeur lui-même qui a le souci de la pérennité de son œuvre...
Bien entendu il s’agit d’un point important à convenir précisément avant la cession elle-même, en même temps que les autres modalités relatives à l’opération.
Comment choisir le bon cadre juridique, social et financier ?
Il convient tout d’abord de savoir si cet accompagnement sera rémunéré ou non. L’expérience montre que l’accompagnement gracieux par le cédant ne correspond qu’à une intervention très limitée, le plus souvent réduite à l’introduction auprès des clients et partenaires importants, et dans le cas d’entreprises de petite taille.
L’accompagnement apporté par le cédant sera donc le plus souvent rémunéré, ce qui sera bien évidemment plus impliquant pour lui, et plus rassurant pour l’acquéreur.
Le maintien d’un statut de mandataire social est parfois envisagé (co-gérant en SARL, directeur général ou directeur général délégué en SAS). Il présente l’avantage d’éviter le lien de subordination entre acquéreur et cédant. Mais les inconvénients sont eux multiples ! Pour l’acquéreur, qui risque d’être freiné dans les changements qu’il veut mettre en place en conservant vis-à-vis de l’interne comme de l’externe un interlocuteur apparaissant comme privilégié et qui aura toujours la signature sociale. Pour le cédant, qui va conserver les responsabilités civiles et surtout pénales d’un dirigeant social, alors même qu’il ne sera plus propriétaire de l’entreprise et plus le décisionnaire final.
Sauf exception cette formule est donc à éviter.
Le statut de salarié suppose l’établissement d’un contrat de travail, le respect du droit du travail et il induit un lien de subordination que le cédant devra accepter.
Le CDI ne sera en général pas retenu, son terme indéterminé ne correspondant pas à la période par définition limitée nécessaire à la mission. De façon déséquilibrée, l’acquéreur ne pourra y mettre fin à son initiative et sans indemnité de rupture, qui sera à la main du cédant, par une décision de démission.
Le CDD sera donc habituellement choisi. Ce type de contrat de travail est rigide sur la durée, déterminée dès le début, avec possibilité de prolongation mais sans pouvoir être réduite (sauf accord des parties). Mais il est sûr. L’acquéreur est sécurisé sur le terme et le mode de rupture, sans risque juridique. Le vendeur a lui la garantie de percevoir la rémunération convenue jusqu’au terme prévu initialement, même si les relations évoluent pendant l’exécution du contrat.
Le statut de « consultant » est souvent la meilleure solution. Il évite tout lien de subordination et offre une souplesse contractuelle quasi-totale. Le cédant va réaliser une mission de conseil pour l’entreprise qu’il vient de vendre et lui facturer des honoraires.
Cela suppose que le cédant ait une structure juridique qui puisse facturer : une SARL ou SAS ou bien s’inscrire au RCS comme affaire personnelle profession libérale, dont il percevra une rémunération en général sous statut TNS (SARL ou affaire personnelle). Ou bien il pourra conserver les montants facturés comme une cagnotte disponible à réinvestir (SARL ou SAS). Bien entendu, la structure juridique qui facture devra respecter toutes les obligations comptables, fiscales, juridiques et sociales d’une société.
Quand le cédant n’a pas de structure juridique pour facturer les honoraires (et ne veut pas en créer pour une durée et un besoin aussi limité), deux possibilités s’offrent à lui.
Le statut d’auto-entrepreneur permet, avec des obligations administratives limitées, de facturer jusqu’à 33.200 € d’honoraires annuels, plafond qui devrait être porté à 70.000 € en 2018. Même s’il faut faire attention aux éventuels risques de requalification juridique en cas d’employeur unique à temps plein, cela semble une formule souple pouvant convenir pour une courte durée.
Le portage salarial est l’autre possibilité, cette fois-ci sans plafond de facturation. L’inconvénient est un coût de charges sociales plus élevé qu’en statut TNS, et avec une rémunération à verser à la société de portage salarial (en général 6 à 12 % du chiffre d’affaires).
Enfin il faut signaler qu’il existe un dernier cadre juridique, injustement méconnu : il s’agit de la convention de tutorat, instaurée par la loi du 2 août 2005 et son décret n°2007-478. Celle-ci, très souple, d’une durée comprise entre 2 et 12 mois, rémunérée ou pas, suppose cependant impérativement d’avoir liquidé préalablement ses droits à la retraite.
On le voit, le bon choix sera à faire au cas par cas, un conseil personnalisé étant nécessaire pour bien prendre en compte les attentes des deux parties et le contexte nécessairement spécifique de chaque cession d’entreprise.
Enfin, nous n’avons pas abordé ici la question de la durée à retenir, qui sera bien évidemment un paramètre important à prendre en compte.
Thierry Charlet,
Advisio Corporate Finance