Le jour de trop
(de l’importance de l’optimisation du délai du processus de vente)
Après de nombreux mois de discussions acharnées, ponctués d’échanges parfois sans fin, d’accords, de désaccords, d’indécisions, de coups de gueule, de lassitude, de craintes, d’attentes et de compromis, vous voyez enfin arriver la dernière ligne droite, la date tant attendue, celle où vous allez pouvoir réaliser vos nouveaux projets par la cession de votre entreprise, où vous avez mis toute votre énergie depuis si longtemps, la date du fameux closing !
Elle était là, fixée (enfin) définitivement, après plusieurs reports causés par différents événements plus au moins légitimes (point de négociation oublié, document manquant, procrastination, congés des différents intervenants, tempête de neige, audits à rallonge…). Mais ça y est… plus que quelques jours désormais…
J-1 : le téléphone sonne. Au bout du fil, votre acquéreur : « La situation a changé. On arrête tout ».
Tout était prêt mais il a suffi d’un jour de trop…
Cette situation est malheureusement vécue par certains chefs d’entreprise cédants, parfois parce que la situation est inéluctable, comme nous pouvons le vivre actuellement dans le cas d’une crise sanitaire ou économique qui brouille toute vision de l’avenir à court terme et remet en cause la valeur des engagements initialement pris.
Au-delà d’un événement exceptionnel, qui nous permet d’introduire l’importance de la préparation et de l’organisation du processus de vente d’une entreprise, d’autres facteurs montrent que l’opération de vente doit se réaliser le plus rapidement possible dès un premier accord trouvé avec un candidat à la reprise.
Dès l’acceptation d’une lettre d’intention, le compte à rebours doit être mis en marche. Il faut avancer au plus vite pour la réussite de l’opération et pour minimiser les risques d’échec liés à l’apparition plus ou moins probable d’éléments perturbateurs pouvant impacter tant la faisabilité de l’opération elle-même (arrêt total des discussions) que ses modalités de réalisation (renégociation des conditions).
En effet, le temps joue contre le projet et en faveur de l’augmentation de probabilité de :
- la survenance d’un évènement extérieur totalement imprévu, rare en apparence mais beaucoup moins en réalité tant les causes peuvent être multiples et de toute façon suffisamment conséquent pour le considérer : le COVID-19 en est l’exemple le plus actuel, crise sanitaire, crise économique ou financière, décès ou invalidité d’une des parties, perte d’un client important… tout facteur exogène non maîtrisable peut avoir une incidence notable sur l’opération,
- la perte de confidentialité : les bruits de couloir se multiplient avec le temps et s’ils parviennent aux oreilles de certains partenaires privilégiés de l’entreprise (voire de concurrents), des réactions injustifiées peuvent mettre en difficulté l’entreprise ou avoir des incidences sur le business en cours : crainte ou position de force d’un fournisseur ou d’un client avec lequel vous êtes en train de renégocier un contrat, climat d’incertitude chez les salariés et chez les managers qui peuvent envisager d’aller voir ailleurs,
- l’acte de revirement de l’acquéreur : vous lui avez laissé, dans le cadre de la lettre d’intention, une exclusivité de négociation qui n’est pas réciproque. Il peut donc de son côté étudier d’autres opportunités de reprise (surtout s’il s’agit d’un groupe en phase de croissance externe). Un calendrier trop long, non respecté qui ne suit plus sa stratégie initialement envisagée au moment de l’accord est facteur de risque de rupture des pourparlers. La lettre d’intention signée représente plus à ce stade un élément d’engagement moral sur le cadre des négociations à mener qu’une promesse d’acquérir.
- la péremption des données financières : les mois s’écoulent depuis la clôture des derniers comptes publiés qui ont servi de base aux négociations mais qui ne reflètent plus l’activité actuelle. Le repreneur va insister pour obtenir une vision plus récente et solliciter probablement une situation intermédiaire qu’il faudra alors préparer, présenter et justifier, surtout si les indicateurs sont en baisse. Une renégociation des conditions de l’offre est donc fort probable au-delà de 6 mois après la date d’arrêté des derniers comptes présentés.
- Les risques liés à un gel trop long des décisions stratégiques : l’entreprise se trouve dans une situation inconfortable où, sans qu’il y ait une direction bicéphale, le cédant doit prendre des décisions pour l’entreprise qui ne le concernera plus et qui peut être à l’encontre des choix stratégiques futurs du repreneur : doit-il recruter ? Investir pour continuer à assurer le développement de l’entreprise ? Solliciter de nouveaux financements bancaires ? L’inaction et le gel des décisions peuvent être préjudiciables à la croissance de l’activité mais paradoxalement, pour le cédant, elles peuvent être favorables à la valorisation de l’entreprise (exemple d’un investissement nécessaire pour obtenir un marché qui va pénaliser à court terme la trésorerie nette, alors que celle-ci peut être une variable constitutive du prix final de l’opération de cession).
On voit donc que le temps joue contre les parties à un accord ainsi que contre l’intérêt général de l’entreprise. Une vision d’ensemble du processus de vente est nécessaire en amont pour en optimiser les délais.
Une préparation en amont et un chef d’entreprise accompagné et conseillé sont la meilleure stratégie pour gagner en efficacité et raccourcir les délais.
Outre réduire le temps d’action, des professionnels du conseil pourront vous aider à vous protéger au mieux de l’apparition des troubles précédemment évoqués, notamment en :
- anticipant dans les accords le rejet de toute « clause MAC » prévoyant la remise en cause de l’opération en cas de survenue d’un événement imprévu susceptible d’impacter de façon significative la situation de la société,
- soumettant à tous les candidats à la reprise, avant toute discussion, un engagement de confidentialité suffisamment bien rédigé pour qu’il soit protecteur mais aussi dissuasif,
- insérant éventuellement une clause de dédit ou pénale dès les premiers accords pour s’assurer de la démarche exclusive du repreneur dans l’opération,
- tenant une comptabilité à jour de façon à pouvoir extraire et présenter rapidement une situation intermédiaire,
- préparant en amont une documentation complète sur l’entreprise de façon à gagner du temps lors de l’organisation d’une « data-room » indispensable aux auditeurs…
Il ne peut que vous être recommandé d’être accompagné par des professionnels rompus à ce type de problématiques, qui prendront en charge tous ces aspects dont vous n’avez pas forcément connaissance a priori, de façon à optimiser à la fois les négociations et le timing de l’opération, pour éviter les renégociations laborieuses et le jour de trop…
Rédigé le 14 avril 2020
Maxime Lassen de Sago,
Advisio Corporate Finance